Les Cahiers du Mézenc N°3
1991
AVANT-PROPOS
Commencée il y a quatre ans avec l'édition de "Borée ça nôtre", poursuivie il y a deux ans par la sortie des "Fils du Mézenc" l'entreprise de mise en valeur du patrimoine mézencole connaît avec ce numéro trois des Cahiers du Mézenc, une nouvelle étape. Trois, plus que deux vaut promesse d'une série ; laquelle représente un double pari. D'abord au plan économique, ensuite dans le rassemblement de tous les concours bénévoles nécessaires à cette publication. Vous nous direz si ce pari mérite d'être tenu.
Invention parce qu'il y a toujours dans l'héritage ce qui est délaissé et ce qui est repris, ce qui est repris et ce qui est transformé. Chaque génération réinterprète le passé, non seulement parce qu'elle en découvre des aspects jusqu'alors ignorés mais parce qu'elle lui confère des significations nouvelles en fonction des exigences du présent . En ce sens le patrimoine est inventé c'est-à-dire découvert et fabriqué de manière originale par les individus et par les groupes.
Dans le droit fil de notre orientation de départ, ce numéro illustre notre conception plurielle du patrimoine : histoire, géographie et botanique sont aujourd'hui au rendez-vous. Les articles et documents rassemblés évoquent, tour à tour, la plupart des communes du Mézenc : Arcens, Borée, Chaudeyrolles, les Estables, Freycenet la Cuche, Saint-Clément et Saint-Front. Ainsi se dit, par-delà les limites administratives, la communauté de patrimoine culturel et naturel des hommes du Mézenc.
Conception plurielle également par l'affirmation que le patrimoine est inventaire et invention.
Inventaire parce que le patrimoine est, dans l'acception commune, ce qui constitue le legs des générations précédentes, ce qui doit être conservé parce qu'il est la garantie du présent par le passé, ce qui est transmis pour édifier, aux deux sens de ce dernier terme. Ainsi est-il reçu, doit-il être défendu et préservé. Ainsi mérite-t-il, comme tout héritage, d'être inventorié. Le tour de toutes les richesses du patrimoine mézencole n'est pas prêt d'être accompli.
Ces derniers n'ont donc pas tous la même idée du patrimoine, de ce qui est digne d'y figurer. Tel qui défend l'intégrité de la faune a de la difficulté à imaginer que les techniques de chasse, le rapport particulier des chasseurs à la nature puissent être considérés par d'autres comme partie constitutive du patrimoine à défendre et à transmettre. Tel autre qui voit dans les forêts du Mézenc une nature sauvage à préserver des skieurs de fond, ignore ou ne sait plus que ces plantations de résineux sont récentes et peuvent menacer, comme nous l'enseignent ici Maryse Tort et Jean Passeron, le fragile équilibre des tourbières de pente.
Notre patrimoine n'est pas figé. S'il l'était, il entrerait dans un musée ou un éco-musée... peut-être pour n'en plus ressortir. Notre patrimoine est pluriel ; nous n'avons pas, plus que d'autres, vocation à dire ce qui vaut d'en faire partie. Notre souhait est simplement que les Cahiers du Mézenc soient un moyen commun d'en exprimer toutes les facettes.
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