Les Cahiers du Mézenc N°11
1999
AVANT-PROPOS
De toutes les formes de continuité culturelle entre les différents versants du massif du Mézenc, par delà les barrières administratives qui inclinent à la plus grande pente en privilégiant la logique de bassin au détriment de celle de massif, le fait protestant est celui qui s’impose de la manière la plus patente.
Certes, la tradition du Fin Gras connaît un nouveau printemps ; certes la langue d’Oc est toujours partagée ; mais par qui ? et pour combien de temps ! Certes les maisons aux toits de lauses, de genêts ou de seigle marquent encore le paysage… Au nord-est du Mézenc, entre Ardèche et Haute-Loire, l’identité du plateau protestant modèle les comportements politiques, les organisations du développement. Cette pérennité a, selon Gérard Bollon, son fondement dans l’héritage de la Réforme. Une religion du livre suscite l’impatience de lire et la création précoce d’un réseau dense d’écoles de campagne. L’esprit d’entreprise lié à l’éthique protestante s’exerce de façon pionnière dans l’électrification du pays, l’adduction d’eau, les premières coopératives et les débuts du tourisme. Enfin, les solidarités communautaires éprouvées dans une longue histoire de persécution et de tenace conquète d’une autre façon de croire et de vivre trouvent naturellement à s’employer lorsque l’homme se fait à nouveau loup pour l’homme.
Ce tableau de Gérard Bollon n’est pas idyllique. L’un de ses mérites est de suggérer que la réussite des actions de développement est liée à la qualité des projets et de leurs porteurs et, surtout, à des valeurs partagées au sein d’une communauté.
La communauté du Mazet-Saint-Voy fut, en 1562, la seule autorisée en Velay pour le culte protestant. Elle est l’une des rares communes françaises à ne pas posséder de paroisse catholique. Christian Maillebouis fait retour aux origines de cette particularité et, au terme d’un travail historiographique scrupuleux et décapant, avance une hypothèse nouvelle à propos de « l’énigme Bonnefoy » et des commencements de la Réforme sur le Plateau. Où il est question de psautiers, de sermons, de liens aux lieux…
Ces derniers sont présents dans les articles conjoints de Michel Engles et marcel Eyraud sur la crota-palhissa et d’Ernest Ribbes à propos d’une descente d’huissier aux Estables en 1690. Le terme de crota-palhissa d’signe en occitan l’association d’une chaumière (la palhissa) à un local en voûte servant de cheminée et de cuisine (la crota). En s’appuyant sur les Estimes des Estables et Deux Rabbes de 1550, les auteurs en donnent une description largement illustrée et apportent une nouvelle contribution à l’histoire de l’occupation humaine du massif du Mézenc. Cette permanence des noms de famille et des lieux est encore illustrée par le récit haut en couleur d’Ernest Ribbes.
Les huissiers de ce temps ne battent plus la campagne pour trouver porte close. Combien de bâtisses sont, comme la maison de Marie-Rose Falcon, des plaies qui pleurent à ciel ouvert ! À l’abandon, tu perds ton nom…
Parce qu’elle est vivante et complexe, une rivière, fût-elle du Mézenc, n’est rien moins que de l’eau pure. C’est ce que nous démontre de manière très pédagogique Michel Bournaud en prenant quelques exemples dans le Massif pour nous proposer une typologie des cours d’eau.
Guy Lempérière avec la collaboration de Florence Desangin et Michel Deschanel poursuit son projet d’une entomologie mézencole. Il nous livre ici une cinquième et dernière espèce locale de Lépidoptères Rhopalocères ou papillons de jour aux teintes bleutées ou orangées bien mises en valeur par les illustrations d’Alain Clique. Une entreprise de longue haleine, systématique, à rebours, donc, du papillonnage !
En 1997, deux articles des Cahiers du Mézenc n°9, de Pierre-Yves Laffont et Michel Carlat, avaient permis un bilan historiographique du château du Mézenc à partir de la documentation médiévale et moderne. Les trois campagnes de fouilles menées sous la direction de Pierre-Yves Laffont et Franck Brechon en 1995, 1996 et 1998 ont mis matériellement en évidence la présence d’un site de château du Moyen Age au Chastelas de Chaudeyrolles. Pierre-Yves Laffont nous invite à la découverte des vestiges de ce château qui fut un des édifices majeurs de la région et apparaît, parmi les châteaux contemporains du Vivarais et de Velay, mais aussi plus largement de la France méridionale, comme un site de grande ampleur.
Nous dédions cette onzième livraison des Cahiers du Mézenc à Hugo, jeune chevalier du Mézenc, sans armure. Il reste en notre mémoire commune.
À tous, bonne lecture !