Les Cahiers du Mézenc N°29
2017
AVANT-PROPOS
Depuis longtemps, la commune du Mazet-Saint-Voy présente un comportement électoral atypique au regard de son environnement départemental, de part et d’autre du Mézenc. Christian Maillebouis s’interroge sur cette anomalie politique en convoquant les travaux des politologues, des sociologues et des géographes qui font ou ont fait autorité en la matière. L’analyse des comportements électoraux d’une population suppose de privilégier les consultations aux schémas politiques simples et aux échéances régulières. Ces élections doivent donc arriver au terme normal d’un mandat électif, être sur le mode binaire classique opposant un candidat de gauche à un autre de droite, et être dans une perspective d’enjeu national. En effet, plus l’élection a un caractère local, et plus des phénomènes de distorsion sociologique – implantation familiale du candidat, rivalité communale, implication du candidat dans tel projet local controversé – sont de nature à biaiser ou infléchir le résultat. Fort de ce choix méthodologique, l’auteur entreprend, à partir des résultats électoraux du second
tour des élections présidentielles de la Ve République, d’interroger les différentes interprétations de cette anomalie politique. Interprétations géographiques, anthropologiques, sociologiques, cultuelles sont convoquées et discutées de manière fine et précise. La pérennité de cette anomalie renvoie à la stabilité des comportements électoraux au sein des familles d’une génération à l’autre. Cette transmission des attitudes politiques relève bien de la dimension patrimoniale et justifie, s’il en était besoin, la présence de cet article dans notre Revue.
Le massif du Mézenc n’a pas la réputation d’avoir été une terre d’industrie, sauf sur ses marges et fonds de vallées. Pourtant, des verriers ont exercé depuis le XIVe siècle sur la montagne avec des verreries installées à Lachamp-Raphaël et Mazan. Soucieux d’augmenter les revenus de sa terre, le seigneur de Burzet relança cette activité en attirant des maîtres verriers venus du Gévaudan ou du haut Languedoc et qui surent s’adapter à un environnement hostile. Par leur activité, ils ont réussi à dynamiser l’économie locale, attirant d’autres corps de métier autour de leur établissement ou favorisant l’activité artisanale déjà en place, tout comme le développement de hameaux. S’appuyant sur les archives seigneuriales de Burzet conservées aux archives de Blois dans le Loir-et-Cher, Anne-Marie Michaux et Laurent Haond nous livrent une étude très documentée des conditions d’implantation et de fonctionnement de ces verreries en fonction des contraintes d’approvisionnement en matières premières, des procédés et savoir-faire entrant dans la fabrication de la gobeleterie et du verre plat, comme des conditions de transport sur de longues distances et de commercialisation de ces produits verriers fort fragiles.
L’histoire vraie que nous raconte Jean Nury a tous les ingrédients d’un western : coups de feu qui partent mais n’arrivent jamais, maintien de l’ordre approximatif, justice expéditive, pendu à la corde défaillante, suspects dans la nature de longues années, vieillard qui fait du théâtre à une troupe qui assiège sa maison, dispute pour un banc d’église. Ajoutons que l’action a pour cadre la haute vallée de l’Escoutay et son gouffre de l’Enfer et se passe dans la paroisse de Saint-Martial en 1791, appelée à devenir terre chouanne.
Des gens pressés et cupides veulent se persuader et nous faire accroire que pour faire société il suffirait de n’avoir commerce de biens et de mots – les anthropologues ajouteraient de femmes – qu’avec ses contemporains. Étendre les marchés à toutes les dimensions de la vie, en finir avec l’Histoire seraient tout le programme de cet être ensemble. C’est ignorer que les hommes sont liés avec leurs morts et les êtres à venir par le truchement de biens communs qu’il nous faut savoir recevoir puis transmettre. Ce qu’on appelle patrimoine. Les choses du patrimoine sont des intercesseurs de la mémoire et de l’imaginaire parce qu’elles ne cessent pas de faire lien entre les hommes à travers le temps. Les chemins en voie d’oubli particulièrement ; ceux autour du Chambon-sur-Lignon et du Mazet-Saint-Voy singulièrement, eux qui ont porté sans distinction des pas paysans et plus illustres. En reprenant pied dans ces chemins, c’est à une rencontre de mémoires que nousconvient Nathalie Heinich et Sophie Ott.
En 1829, Jean-Innocent Dugua fut le fondateur d’une communauté des religieuses de Saint-Joseph au Béage, dont il fut le curé de 1827 à 1841. Georges Vignal entreprend la biographie de ce fils d’une vieille famille des hautes Boutières dont la vie religieuse connut bien des vicissitudes. Les accords passés par les religieuses et leurs familles avec le curé fondateur concernant le temporel de la communauté n’étaient pas du goût de l’évêque de Viviers, le cardinal Guibert, qui entendait en nommer le supérieur. Le différend entraîna la dissolution de la communauté des soeurs et fut à l’origine d’une longue pérégrination de cure en cure autour du cours de la Loire pour Jean-Innocent Dugua. Au terme de cette enquête, une hypothèse nouvelle est posée quant au parcours du cartulaire de Bonnefoy que notre curé eut peut-être en mains.
Sous un titre « à la Prévert » Jean- Claude Ribeyre se propose de revisiter, à sa façon, le site du Gerbier-de-Jonc pour lequel le département de l’Ardèche a récemment posé candidature à un label Grands Sites de France. En cet endroit tout pourrait faire problème : une graphie changeante du nom de ce haut lieu du patrimoine scolaire, une étymologie primesautière, une hydrologie vagabonde, une source entuyautée d’un côté, intermittente de l’autre, des limites cadastrales incertaines, une foule d’excursionnistes (400 000 à 500 000 par an) qui, pour l’essentiel, n’y font que passer. La recension par l’auteur des témoignages laissés par des visiteurs venus d’horizons divers, de jadis et de naguère, laisse entendre que la rénovation récente du site était bien nécessaire. Contribuera-t-elle au développement touristique du massif du Mézenc ? Il faudra voir…
Marcel Eyraud et Serge Boÿer ont contribué, chacun à leur manière, au développement culturel et touristique du massif du Mézenc. Ils reçoivent dans cette livraison, de la part des membres de l’association des Amis du Mézenc et plus largement d’un grand nombre d’Hommes d’en Haut, un hommage auquel nous associons nos adhérents récemment décédés à qui nous dédions ce nouveau Cahier du Mézenc.
À tous, bonne lecture !